CHEFS D'ACCUSATION - ACTE 1 : ÉDITION 2015
RSE, une utopie trop contraignante ?
RSE, un frein à la création de valeur(s) ?
RSE, un alibi pour les entreprises ?
RSE, une utopie trop contraignante ?
La RSE est accusée d’être une vision utopique impliquant une réglementation contraignante au détriment de démarches volontaires.
La RSE est accusée d'être un concept trop flou, qui déstabilise les entreprises parce qu'il induit des contraintes impossibles à respecter : c'est par conséquent un concept utopique.1° D'abord parce que son périmètre est impossible à circonscrire. Les entreprises ne peuvent engager un dialogue avec toutes leurs parties prenantes car il est impossible pour elles de toutes les recenser, de dégager suffisamment de temps et de ressources pour cela sans compromettre le cœur de leur activité.2° La RSE est accusée aussi de donner l'illusion que les règles éthiques qu'elle propose pour assurer la loyauté des pratiques commerciales peut développer des avantages pour les entreprises qui s'y conforment. Mais ces règles sont tellement à géométrie variable selon le contexte des pays d'implantation de ces entreprises, pays parfois destabilisés politiquement, qu'elles amplifient l'incertitude dans les négociations d'affaires et compromettent par conséquent la signature de contrats commerciaux. 3° La RSE, enfin, est accusée de mettre en danger les entreprises de taille moyenne car elle les contraint à adopter des démarches coûteuses pour se mettre en conformité avec de trop nombreuses normes.Pour ces trois raisons, il paraît inévitable que les entreprises qui cherchent à appliquer ce concept de RSE soient mises en difficulté, perdent en productivité et soient contraintes à détruire des emplois et donc à réduire l'attractivité des territoires. C'est donc un concept dangereux pour la société qu'il convient de bannir.
Intervenants :
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Procureur : Odile Verdure-Labeill (consultante)
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Avocat de la défense : Sandra Latour (consultante)
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Témoin de la défense : Frédéric Behar (directeur marketing chez Synphonat), Florence Dauzère (DRH de Synphonat), Pierre Poirier (directeur éthique chez Pierre Fabre) et Serge Clerens (directeur SHEM)
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Expert judiciaire : Philippe Vervier (Acceptables Avenirs)
RSE, un frein à la création de valeur(s) ?
La RSE est accusée de détourner l’entreprise de son véritable objectif : la création de valeur(s).
L’entreprise privée à but lucratif, quelle que soit sa forme juridique, est constituée pour dégager un profit qui peut être, après imposition, distribué ou réinvesti. Ainsi, elle contribue à financer l’Etat par l’impôt sur les bénéfices et à rétribuer les actionnaires qui ont été à l’origine de sa création ou de son développement. Par son autofinancement elle mène à bien son projet, elle crée des emplois, elle réalise des investissements qui lui permettent de produire des biens et des services afin de répondre aux besoins de ses clients. La responsabilité sociale détourne l’entreprise de cette vocation naturelle. Elle la prive de ressources financières ou humaines et ainsi elle diminue son efficacité et son efficience. La responsabilité sociale introduit une confusion dans l’esprit des dirigeants qui sont mis face à des injonctions paradoxales, il leur est demandé à la fois de créer le maximum de richesse économique et financière pour satisfaire les marchés et de répondre aux demandes de parties prenantes qui se traduisent par un véritable détournement de ces mêmes richesses.
La RSE est accusée de violer deux fondements des sociétés libres et démocratiques.
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Le premier repose sur la séparation du patrimoine de l’entreprise et de celui de ses dirigeants. L’argent de l’entreprise, sa trésorerie par exemple, n’appartient pas à ses dirigeants mais à l’entreprise qui est juridiquement la propriété de ses actionnaires. Le mandat confié par les actionnaires aux dirigeants consiste à réaliser le projet de l’entreprise et à créer de la valeur. Les politiques ou activités de RSE qui ne répondent pas strictement à ce mandat consistent, de la part des dirigeants, à faire de « bonnes actions » avec de l’argent qui ne leur appartient pas. Ainsi, ils trahissent le mandat de leurs actionnaires et ne méritent plus leur confiance. Ils doivent être condamnés pour détournement.
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Le second principe des sociétés libres est le principe démocratique. Les grands thèmes de la RSE, respect de l’environnement, développement des territoires, protection des minorités, etc. sont des thèmes politiques au sens le plus noble. Ils concernent la Cité. Or la direction de la Cité doit être régie par le principe de l’élection démocratique. Les dirigeants ne sont pas élus et ils n’ont donc aucune qualité pour se dire dépositaires de missions de service public. Ils doivent respecter les lois de la Cité car elles émanent de ceux qui ont reçu mandat pour les édicter mais ils ne doivent pas créer des contraintes de type RSE allant au-delà des lois. Les dirigeants représentent des intérêts particuliers et non l’intérêt général et s’ils mélangent les deux ils ne serviront ni les premiers ni le dernier. Pire, de nombreux dirigeants incapables de remplir leur mission et ayant échoué dans les objectifs de création de valeur qui leur sont demandés ou auxquels ils se sont engagés, exciperont de la RSE pour couvrir leur incompétence. Ils doivent être condamnés au titre de la confusion qu’ils entretiennent entre la vie de la Cité et la vie des affaires.
Intervenants :
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Procureur : Hervé Penan (directeur de l’IAE Toulouse)
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Avocat de la défense : Thierry Faba (directeur de l’école privée CRV)
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Témoin de la défense : Dominique Olivier (directeur de la coopérative Fermes de Figeac )
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Expert de la défense : Frédéric Alexis (expert d’Audencia Nantes) et Christian Du Tertre (spécialiste de l’économie de la fonctionnalité)
RSE, un alibi pour les entreprises ?
La RSE est accusée de n'être qu'un alibi pour donner bonne conscience aux entreprises qui s'en emparent de manière opportuniste. Elles ne se donnent pas véritablement les moyens d’engager une démarche sincère.
L’entreprise a toujours eu un rôle primordial à jouer dans la société, en tant que producteur de biens et de services ainsi qu’employeur et, secondairement, au travers du mécénat d’entreprise, en tant que « bien-faîteur » pour différentes œuvres de développement social et/ou territorial, culturel ou artistiques,…
Cependant, le fonctionnement et les actions de l’entreprise s’expriment bien souvent au détriment de l’environnement et de l’être humain, par la consommation continue de ressources naturelles, matérielles et humaines, la production de rejets et déchets polluants, privilégiant ainsi, quasi-exclusivement, son rôle économique.
Le développement de démarches et actions sociétalement responsables, selon le principe de la norme ISO26000 (publiée en 2010), suppose que l’entreprise prenne en compte son contexte socio-économique et environnementale, interne et externe, pour définir des stratégie de développement et des actions plus « responsables ». Cependant, même aujourd’hui, cela semble encore être un « leurre ». Les nombreux scandales et mauvaises pratiques en matière de droits de l’homme, droits du travail, pollution et manque de transparence mis en avant par des ONGs, syndicats et gouvernements en témoignent.
Ainsi, l’opinion publique aujourd’hui est sceptique par rapport à la possible transition des entreprises vers des pratiques sociétalement responsables sincères et cohérentes, en particulier dans un contexte de crise économique. Du fait de la complexité du sujet et de sa normalisation, la RSE a été accaparé par les grandes entreprises. Et de nombreuses personnes pensent que seuls les enjeux commerciaux poussent certaines vers l’usage de la RSE, en tant qu’outil médiatique et de communication exclusivement, sans réel fondement et sincérité dans la démarche.
Parmi l’ensemble des sujets traités par la RSE (gouvernance de l’entreprise, etc), un sujet fait polémique et interpelle plus fréquemment des parties prenantes essentielles aux entreprises :
La multiplication d’actions RH n’a finalement pas de résultats probants sur le bien-être des salariés et la qualité de vie dans l’entreprise.
Cette posture concerne l’affichage de l’amélioration du bien-être au travail via la prise en compte de plus en plus marquée de la qualité de vie des salariés au travail, d’efforts particuliers sur l’égalité des droits homme-femme et la défense des droits de l’homme au travail, du développement de la formation continue et de carrières professionnelles abouties avec un équilibre travail-foyer, etc... Cependant, on remarque que les TPE/PME ont de singulières difficultés, surtout en période de crise, à mener ces actions de front et souvent les engagements sont commentés et actés par des réunions, mais restent sans actions concrètes et changements réels. Bien au contraire, aujourd’hui on constate de plus en plus de souffrances dans le milieu du travail, les actions ne répondant pas aux besoins des salariés dans de nombreux cas. Alors est-ce que l’entreprise peut vraiment prétendre s’engager pour améliorer le bien-être de ses salariés ?
Intervenants :
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Procureur : Isabelle Ricard (URI CFDT Midi-Pyrénées)
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Avocat de la défense : François Garreau (Générali
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Témoin de la défense : Didier Suberbielle (président de Nutrition et Santé) et Dominique Pon (directeur de la Clinique Pasteur)
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Expert judiciaire : Martine Combemale (directrice de Ressources Humaines Sans Frontières)